Difficile à encaisser
VAL-EN-BLÉ, MAI 2015
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A 45 ans, Benoît est technico-commercial depuis dix ans sur un même secteur. Certains de ses clients agriculteurs sont devenus de bons copains. Depuis ce matin, les noms de trois d'entre eux ne cessent de tourner en boucle dans sa tête. « Comment je vais leur dire ? », ne cesse-t-il de se répéter au volant de son véhicule de fonction, à destination de l'un d'entre eux, Jean-Michel, à 30 km de son dépôt.
En ouvrant sa messagerie à 8 h, un mail du service compta l'attendait. Avec une pièce jointe. Une liste des comptes d'agriculteurs bloqués pour défaut de paiement. « Fallait bien que cela arrive à un moment ou un autre », se dit-il perdu dans ses pensées. La sonnerie de son mobile, installé en mains libres, le sort de sa bulle.
« Ah, Martin, comment vas-tu ? Oui, j'ai reçu aussi une liste. Dur, dur pour leur annoncer la bonne nouvelle... » Une conversation s'engage avec Martin, un collègue d'un secteur voisin. « J'ai fait le point du coup. 15 % de mon chiffre d'affaires n'a pas été réglé à échéance. Et pour toi ? Plus d'un tiers est dehors ! T'es encore plus mal, dis donc. Mais c'est vrai que dans ta zone d'élevage, les encours sont plus importants, surtout avec les gros éleveurs de porcs que tu as. »
De fil en aiguille, les deux hommes finissent par regretter de ne pas avoir suivi six mois auparavant une formation proposée par le service financier sur la négociation des moyens de paiement. « Nous aurions pu éviter cette nouvelle embrouille. Fabien qui l'a suivie n'a pas reçu de liste. Il a pu éviter la casse avec ses plus gros impayés en mettant en place un prélèvement automatique. Ben oui, ça fait suer de demander de l'argent quand tu sais que le gars tire le diable par la queue. Je me souviens quand Sabine du service compta m'a filé un tableau sur les encours cultures. Je l'ai envoyé paître comme un idiot. Martin, on est mauvais sur ce coup-là. »
Nerveux, un sourire forcé, Benoît aborde Jean-Michel en train de préparer son pulvé. « Comment te dire. Voilà, je suis désolé mais la compta ne veut plus t'accorder de nouveaux encours. » Levant la tête de sa cuve, l'agriculteur rétorque alors d'un ton las, « je m'en doutais, j'ai revu les comptes sur l'extranet. Tu me disais de ne pas m'inquiéter, mais voilà, c'est arrivé ».
Hélène Laurandel
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